23 décembre 1986

« Putain ! Avant même de naître il nous fait déjà chier c’môme ! ». Charmante réaction quand ma mère a commencé à se tordre de douleur et qu’elle a dit à mon père qu’il devait maintenant l’emmener à l’hôpital. Cela faisait pourtant une bonne heure qu’elle avait perdu les eaux, mais elle n’avait rien dit, Monsieur était devant le match, il ne fallait pas le déranger à ce moment-là. Mais finalement, la situation devenait urgente. Et c’est en m’insultant moi, et ma mère qui aurait pu patienter jusqu’à la fin du match, qu’il l’emmena tout de même à l’hôpital. Etrange début… Mes parents habitaient à quelques kilomètres seulement de l’hôpital, dans la banlieue de New York. Ils n’étaient pas bien riches, bien au contraire. Ma mère était âgée de vingt-quatre ans et mon père de vingt-six ans à ce moment-là. La situation financière n’était pas bien réjouissante, seule ma mère travaillait comme elle pouvait, elle était caissière dans une supérette du quartier. Mon père lui, était un poil fainéant, travailler demandait bien trop de contraintes, plus d’inconvénients qu’autre chose, il avait donc fait son choix. Et ma venue était d’autant plus difficile. Ma mère était tombée enceinte par accident, et si elle s’était très vite faite à l’idée de devenir maman, ce n’était absolument pas le cas de mon père. Qui dit gosse, dit une bouche à nourrir, et l’argent, ce n’était pas ça qui était en trop dans la famille, qui dit gosse, dit finit les nuits à dormir tranquillement, et mon père, il y tenait à sa tranquillité. Il avait voulu que ma mère se fasse avorter, mais elle avait refusé, et je crois que c’est là que les choses se sont compliquées… « Nous faire chier à deux jours de Noël, il pouvait pas trouver mieux ! ». Bienvenue dans le monde gamin.


6 mai 1991

« Soldat, je vous attends pour votre rapport à la tour de contrôle dans deux heures. ». Dans la cuisine, une assiette cassa et des cris retentirent. « Les troupes ont envahi nos terres, nous devons les faire reculer ». Dans la cuisine, les cris ne cessaient toujours pas. « Nous sommes plus nombreux qu’eux, nous pouvons gagner, mais pour cela nous devrons nous battre ». Un grand bruit se fit entendre, et les pleurs d’une femme retentirent cette fois ci. Je posai finalement mes petits soldats et relevai la tête. La porte de la cuisine était fermée, mais je savais qu’il se passait quelque chose, comme toujours. C’était ma mère qui pleurait, et c’était mon père qui lui criait après. Finalement, du haut de mes cinq ans, je pris son courage à deux mains et me levai. Doucement, j’entrouvris la porte de la cuisine et y passai ma tête en silence. Je vis alors mon père poussé violemment ma mère qui tomba à terre. Je ne pus retenir un petit cri, ce qui dévoila ma présence aux deux adultes. Mon père se retourna et me regarda avec un regard terrifiant. « Tu fous quoi là ? Et ce qu’on t’a sonné bordel ?! ». Il ouvrit grand la porte et m’attrapa le bras avec force. « Non laisse le ! Il n’y est pour rien ! » Cria ma mère en se relevant. Mes larmes coulaient sur mes joues, je savais comme ça allait finir, une fois de plus… « Il n’y est pour rien ? Si il était pas là les choses seraient déjà plus simples ! ». Ma mère pleurait à grosses larmes. « Ne dit pas ça devant lui… ». Sa main empoignait avec force mon bras qui me faisait horriblement mal. « Prend le ton gamin et dégageaient tous les deux de ma vue ! ». Il me poussa en avant et je manquai de peu de tomber, se fut ma mère qui me rattrapa et me serra dans ses bras. « Foutez le camp bordel ! » Cria mon père. Ma mère m’entraina en dehors de la cuisine et m’emmena dans ma chambre. Les larmes coulaient toujours sur ma joue. Doucement, et toujours en pleurant également, elle m’installa dans mon lit et me borda. « J’ai peur maman… ». Ma mère arrêta de border mon lit et releva son regard mouillé vers moi. « Ca va aller mon ange, maman est là… Je serais toujours là… ». Elle posa un baiser sur ma joue et alla s’assoir dans le fauteuil en face de mon lit. Elle attendait là chaque soir que je m’endorme, elle veillait sur moi…


15 décembre 2003

Tel un félin silencieux, je rentrais du lycée sans faire de bruit. Mon père était devant la télé, moi j’avais du boulot et je ne voulais pas avoir à faire à lui. Je me dirigeais sans m’attarder un peu plus jusque dans ma chambre où je posais tranquillement mon sac sur mon bureau. Il était déjà presque dix-neuf heures, j’avais des devoirs à faire. Sans plus attendre, je me mis au travail, je n’étais pas le genre à glander pendant des heures. Deux heures plus tard, la porte s’ouvrit, avec une heure de retard. C’était ma mère. Déjà, j’entendais les cris de mon père. « Tu foutais quoi ? Tu as vu l’heure ?! ». Je tendais l’oreille sans le vouloir, je n’aimais pas les entendre se disputer… « On a fait l’inventaire au magasin, je te l’avais dit… ». Mais il ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. « Tu te fous de moi ? Il ne serait pas blond aux yeux bleus ton inventaire ?! Je l’ai vu l’autre fois au magasin, il te tournait autour ! ». Mon père était devenu jaloux depuis que ma mère travaillait deux fois plus pour pouvoir me payer l’université à la fin de l’année… Car oui, j’avais un an d’avance sur mon cursus scolaire. « Ne dis pas n’importe quoi… C’est… C’est juste un client… ». Elle n’aurait surement jamais dû dire ça. J’entendis un bruit sec qui ne devait être qu’autre qu’une gifle. Mes points se resserrent… Et puis les cris continuèrent, et ma mère fondit en larme, alors que je l’entendais lui frappait dessus. C’est mes larmes qui coulèrent une fois de plus. Je me sentais tellement impuissant. Et puis les cris de mon père se furent plus fort encore, comme les pleurs de ma mères, et puis il y eu un gros bruit qui résonna sur le radiateur. Et plus rien… Plus un bruit. Je me levais d’un bond et ouvrit ma porte pour me diriger dans le salon. Je vis ma mère étendue au sol, une flaque de sang commençant à se former au niveau de sa tête. « Maman… ». Je me précipitais à ses côtés, mais elle ne respirait plus, son cœur ne battait plus. Elle était morte. Mon père restait debout, impassible à regarder son corps sans vie. « Qu’est-ce que tu as fait ? » Criais-je de toutes mes forces. « Tu l’as tué ! Enfoiré ! Je te déteste ! ». Je me relevai et le poussai avec force, j’avais moi aussi envie de le tuer. Il venait de commettre l’irréparable. Je voulus le taper, mais on sonna à la porte. « Police ! Ouvrez nous ! ». Les voisins avaient dû appeler encore une fois la police, pas pour rien cette fois ci… Car toutes les autres fois, ma mère avait nié tout ce qu’il s’était passé. Je relâchai mon père pour aller leur ouvrir. [color=black]« Ne fais pas ça ! » Me cria mon père en me poursuivant, mais rien ne pouvait m’arrêter, j’étais déjà à la porte.

Après ce soir, mon père fut condamné pour violence aggravé et pour la mort de ma mère. Il fut condamné à la prison à perpétué. Ce jour ci, ma vie changea du tout au tout. Je m’engageai dans l’armée, je ne pouvais plus rester sur les bancs de l’école sans rien faire. J’avais besoin de bouger, de m’évader, et surtout de vivre. L’armée, c’était avoir tout ça tout de suite. Si je n’avais jamais été bien social, je me renfermai encore plus sur moi-même. Mon cœur était blessé à jamais.
J’essayais comme je pouvais d’oublier ma douleur, je tentais tout… La cigarette, l’alcool, les soirées, les filles… Et toujours l’armée dans laquelle je m’épanouissais le plus. Plus je pouvais ressentir des sensations fortes, mieux je me sentais. Et malgré mon comportement arrogant, mes supérieurs ne pouvaient rien me dire, dans mon travail, j’étais irréprochable.


27 juin 2008

Je fus muté à Jacksonville, en trou comme je l’appelais. Pourtant, changer d’air aller me faire du bien, je le sentais. Et puis, je n’avais pas grand-chose à perdre, ni famille, ni petite amie régulière. Mon départ ne toucherait personne. Les seuls amis que j’avais été des collègues de travail.


15 juillet 2008

Comme souvent, j’étais en boîte. J’aimais la musique forte, l’euphorie sur la piste de danse, l’alcool… Tout ce qui me permettait de me détendre. J’avais passé la soirée avec une charmante demoiselle dont j’ignorais le nom, peu importait, j’allais la ramener chez moi et demain quand elle se réveillerait, je serais déjà parti. La demoiselle avait déjà trop bu, et je sentais que si je voulais m’amuser un minimum, je ne devais pas faire trainer la soirée trop longtemps. Je me penchai donc à son oreille et lui murmurait que je voulais qu’on aille chez moi. Trop saoule pour se méfier, elle accepta sans douter un brin. Je sortis donc à sa compagnie et je tendais la main pour appeler un taxi. Mais quelque chose, ou plutôt quelqu’un attira mon attention. Un peu plus loin, une jeune femme, qui semblait plutôt jeune, ne semblait pas être dans un très bon état. Mon taxi venait d’arriver, et ma compagne pour la soirée était déjà affalée dedans. Je regardai une autre fois la demoiselle au loin. Puis, je me penchai dans le taxi. « Tu habites où ? » Demandai-je à la jeune femme. Elle prononça le nom de son quartier, je me fichais bien de comprends. Puis j’allais voir le chauffeur. « Vous avez compris ? ». Il me fit une affirmation de la tête, je lui tendis une liasse de billets et lui demandai de la ramener chez elle. Moi, je fis demi-tour sous les insultes de la fille dans le taxi, visiblement déçue que je ne partage pas la nuit avec elle.
Moi, je me dirigeais vers la jeune femme qui ne finirait pas la nuit si je ne faisais pas quelque chose, du moins, c’est ce que je pensais.
Et ce fut la meilleure décision que je pris de ma vie. Je décidais de la ramener chez moi, sans arrière-pensées cette fois ci. Kasey devient vite l’élément indispensable de ma vie…

Les semaines passèrent, les mois passèrent, et jamais plus cette fameuse Kasey ne put ressortir de ma vie. Elle devînt une amie, une confidente, une meilleure amie… Et finalement, mes sentiments évoluèrent, je l’aimais. Pourtant, aussi stupide que cela puisse paraître, je ne pouvais lui dire. Elle était si fragile, je ne pouvais me résoudre à lui faire du mal pour lui avouer que j’étais fou d’elle. Lui dire que je l’aimais, c’était prendre le risque de la perdre, et je n’étais pas prêt à ça. J’avais déjà perdu la femme qui comptait le plus pour moi, je ne pouvais pas la perdre aussi. Alors j’étais le bon copain, toujours là quand il faut, à rire, à pleurer avec elle… Et je m’en contentais.
Les choses changèrent quand Kasey eut un accident de voiture et failli de peu perdre la vie. Ce fut un coup de poignard, un électrochoc. Une fois qu’elle fut hors de danger, je lui avouai tout. Et heureusement pour moi, mes sentiments étaient partagés.

Nous avons emménagé ensemble, révélant au grand jour notre amour. Pour la première fois depuis longtemps, j’étais heureux. Une seule fille, celle pour qui mon cœur bat. Terminé pour moi cette vie de débauche, j’avais enfin mes repères. Bon, nous nous disputions souvent, pour un oui ou pour un non, mais nous finissions toujours pas nous réconcilier. Et nous nous aimions…


Mais ce bonheur ne pouvait pas durer. Je fus envoyé en mission en Afrique pendant un an. Je ne pouvais pas refuser… J’allais devoir la quitter. La séparation fut difficile, douloureuse… Et bien que nous n’ayons pas rompu ce dernier soir, j’avais très bien conscience qu’un an était trop long pour pouvoir maintenir notre relation.
Au cours de cette mission, je connus l’enfer. Les populations meurtries, délaissées, mourantes même… J’ai tué des gens pendant ces douze mois en enfer… Jamais je n’aurais pensé que cela serait aussi dur. Au cours de ma mission, j’ai rencontré une certaine Mya, une jeune femme militaire, pleine de courage. Tous deux, nous avons très vite sympathisés… Beaucoup plus que nous l’auront voulu. Et un soir, nous avons dérapé… Nous avions eu une dure journée, et c’est ensemble, que nous avions oublié les malheurs vus, dans un corps un corps interdit. Je pensais que ça n’arriverait qu’une seule fois, mais cela se reproduisit une autre fois, puis une autre… Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de penser à Kasey, et je m’en voulais… Et puis, les mois passèrent, et je finis par me persuader qu’elle avait trouvé quelqu’un d’autre, qu’elle m’avait oublié… Je ne lui envoyais même plus de lettres… Moi et Mya, nous nous voyons de plus en plus, sans que je ne culpabilise. Pourtant, je ne l’aimais pas. Je savais qu’en revanche, elle, elle avait des sentiments pour moi. Sentiments que je ne pouvais lui rendre… J’aimais toujours Kasey.

Et puis un an passa, ma mission s’acheva enfin. Je retournai à Jacksonville, complètement changé par ce que j’avais vu là-bas, mais aussi ce que j’avais fait… J’allais maintenant retrouver Kasey, après un an d'absence, et dix mois sans lui donner de nouvelles. Comment va-t-elle réagir ? Va-t-elle m'accepter quand elle saura la vérité ?