Shane, c’est une gamine attentionnée, elle est toujours à l’écoute des problèmes des autres, bien que trop souvent dans son coin. Quand elle était en primaire, je la voyais toujours seule, quelques enfants venaient la voir, mais c’était rare, elle n’aimait pas qu’on s’approche trop d’elle. Je pense que c’était pour se protéger des autres. Elle était très gentille à l’époque, on ne l’entendait jamais, bien que quand ça n’allait pas, il ne fallait pas trop empiéter dans son univers.

Shane en un mot ? Compliquée. Je la connais depuis sa plus tendre enfance, elle a toujours vécu à Jacksonville, et je l’ai vu dépérir petit à petit. Ca fait mal au cœur au début, mais à force, on s’y fait, on se contente d’être là dans ses coups de déprime et voilà.
Ouais, elle consomme de la drogue, ouais elle a connu la garde à vue, les psychologues, etc… Mais c’te meuf est extraordinaire, le cœur sur la main. Tu vois, j’ai déjà baiser avec elle, et c’est une tuerie, elle fait passer le bonheur des autres avant le siens, contrairement à ce que tout le monde croit.

Lorsqu’elle a perdu ses parents, Shane est devenue violente, très violente. Avant, elle n’était pas comme ça, peut-être qu’elle était grande-gueule, mais elle n’allait pas menacer les gens avec un couteau, ou autre armes du genre. Cette fille est devenue dangereuse, je l’aie eu en consultation, elle effraierait un mort. Je me méfie de Shane, elle n’est pas tranquille, je pense qu’elle aurait besoin d’être internée, mais j’ignore si cela n’aggraverait pas son cas.

Depuis qu’elle a ouvert son salon de coiffure, je la sens revivre. Je sais que Jacey est toujours là pour moi, si j’suis dans la merde, elle viendra sans se poser de questions. C’est un amour cette nana, et je regrette qu’elle soit lesbienne. Elle m’a parlé de la mort de ses parents au lac, dur, elle en souffre encore. Bon, en même temps elle avait que quinze ans, mais voilà quoi. Elle a une putain de force de caractère. Je la connais bien, elle ne ferait pas de mal à une mouche, j’ai bien dit une mouche, un être humain par contre… Je vais en rester là, gardez juste le truc que c’est une fille bien. C’est mon pote lesbien.

Pourquoi je suis comme ça ? J’aime pas en parler. Mais ça va que c’est pour ta foutue caméra. Et puis, c’est quoi cette idée de faire un reportage sur moi ? […] OK, je la ferme, et j’balance ma vie.
Bon, je suis née le 24 août 1988, à Jacksonville, mes parents étaient tout deux émerveillés de ma venue au monde, d’après ce qu’on raconte. Mon père était beau, fort et riche, ma mère était magnifique, aimante et riche également. Ouais, j’ai toujours eu ce que je voulais. Le dernier BMX, le dernier skate. Ma mère se plaignait de ne pas avoir une vraie fille, mais bon, elle m’aimait quand même. Mon père n’était jamais à la maison, ou que très peu, je n’ai pas beaucoup de souvenirs de lui. Ah si, j’en ai un, mais il n’est pas merveilleux, pas du tout même.
J’avais quinze ans, je faisais du skate dans les rues avec mes potes, une clope à la main, attendant que tout le monde se barre pour allumer un joint, faire tourner l’alcool. Je m’éclatais avec ça, une vraie pro, toujours au milieu de gars, d’ailleurs, j’étais devenue un des leur, à tel point qu’on me prenait pour un mec, par chance, je n’avais pas de seins, ou très peu, donc tout allait pour le mieux pour me fondre dans la masse. Bref, ce jour-là, j’ai entendu des crissements de pneus, et ce bruit de taule froissée. Avec mes potes, on est partit voir, trop curieux de savoir ce qu’il venait de passer, mais je crois que jamais je n’aurais dût voir ça. Je reconnus de suite la voiture de mes parents, affolée, je courus dans leur direction, en larmes. La voiture était en charpie, ma mère en sang, mon père défiguré. C’est moi qui ai appelé les secours parce que personnes ne bougeait leur cul pour m’aider, j’ai dût tout faire.
Depuis ce moment là, je vis seule, j’ai été dans un foyer, mais à mes dix-huit ans on m’a laissé partir vivre dans mon ancienne maison, à Jacksonville Beach, je suis devenue autonome directement, devant me payer moi-même ma bouffe, ma drogue, et tout ce qui s’en suit. Je suis devenue quelques peu populaire, je me paye mon université qui me sert juste histoire d’avoir une bourse, et sinon, j’ai fait un CAP Coiffure. Depuis un an, j’ai ouvert mon propre salon, Damon’s palace, c’est un mixte, il y a une boutique de fringue, de skates, de piercings, mon coin coiffure, un skate parc. Et tout ça, à l’abri des regards indiscrets. J’organise des fêtes là-bas, des teufs, des skins party… Je suis fière d’être ce que je suis, ma carapace me convient, je vis au jour le jour, je ne me tracasse pas des merdes quotidienne. Je pense que si mes parents n’étaient pas morts, je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui.